Deuxième mission à mon actif. Deuxième mission à Berlin aussi. Le hasard fait parfois les choses bien étrangement. J’espérais voir éventuellement une autre ville en opération. Mais bon, au moins, je partais, c’était pas plus mal. C’est qu’on appréciait ce que je faisais, et c’était l’essentiel. Et puis, Berlin, bien que partiellement détruite par la guerre, est tout de même une ville immense. Enfin, ce qu’on nous demandait de faire était totalement différent. Même mon coéquipier était quelqu’un d’autre que Gabriel. J’espère que ce dernier ne se sentait pas trop seul à l’institut.

Cette fois-ci, donc, j’étais avec Aaron Janow. Il était aussi un chouette garçon avec qui je m’entendais bien. Ce n’était certes pas fusionnel comme avec Gab’, mais on formerait une bonne équipe, je crois. On allait bien voir. On allait mener l’enquête dans tout Berlin, afin de retrouver Orchestre Rouge, une organisation résistante plus ou moins officielle de l’URSS. L’idée était donc de la trouver pour renforcer sa sécurité, afin que les nazis ne les débusquent jamais. Ils avaient des bureaux dans plusieurs villes européennes, mais Berlin était quand même un point central important.

Je ne savais pas trop par où commencer, mais nous avions ce message que les nazis avaient malheureusement interceptés dans un message codé envoyé depuis Moscou. Nous partions donc du même point de départ que nos ennemis. Le MIS avait décodé le message pour nous, ce qui facilitait quand même notre travail. La phrase était écrite dans le papier que je tenais au creux de ma main.

Nous étions tous les deux, Aaron et moi, sur une place dont je ne connaissais pas le nom. Le panneau avait été arraché par quelqu’un.  Tant pis, on ferrait sans. Je lus encore une fois à haute voix ce qui était écrit pour nous deux :

Conférence nazie à l’université de Potsdam à saboter… OR

« Bon, on commence par l'université ? » demandai-je à Aaron.

Une première mission! Lorsque j'avais reçu cet ordre, je n'en revenais pas!
C'était peut-être à cause de ma faible force physique, ou plus probablement de mes difficultés d'adaptations sociales, qu'ils ne m'avaient pas sélectionné plus tôt. Mais j'avais vu tellement de départs ces derniers mois que j'avais vraiment hâte que ça soit mon tour.
Et, cerise sur le gâteau, je partais avec Matt. C'était pour moi ce qui se rapprochait le plus d'un ami, sur ce campus. Il était le seul autre agent auquel je me sois réellement attaché, en fait.

Nous partions en Allemagne, à Berlin. J'allais donc voir ce pays pour la première fois. Et exercer mon allemand, aussi... J'étais légèrement angoissé à l'idée de me retrouver au cœur de ce pays... Et pour une chasse, en plus! Retrouver quelques personnes dans une si grande ville, était-ce possible?
Le premier message semblait laisser penser que oui...

- Ca joue!

Malgré l'effroi qui commençait à me gagner, j'avais pris soin de répondre d'un ton enjoué, motivé. Motivé, je l'étais réellement, ce n'était donc pas qu'une façade. Nous nous mirent en route en silence. L'ambiance pesante qui régnait dans les rues était peu propice à un bavardage léger. Mon esprit non plus, de toute façon.
Encore et toujours ces questions, inlassables, qui m'empêchaient de penser...
Étais-je réellement prêt pour une mission? Mon allemand ne sonnait-il pas trop étranger? S'ils recevaient les messages du réseau que nous étions censés retrouver, pourquoi n'y allaient-ils pas eux-même? La présence de deux garçonnets trop curieux dans une ville en guerre passerait-elle vraiment incognito?
Il y en avait une, en particulier. Lorsque le bâtiment imposant se distingua dans mon champ de vision, je n'eus plus d'autre choix que de la poser:

- Euh, tu as idée de comment justifier la présence d'enfants dans une université? Parce que même en étant des génies, on est quand même un peu jeunes... Et il faudrait qu'on soit d'accord sur la réponse que l'on donne...

Je n'aurais su dire pourquoi, mais quelque chose en moi était persuadé que, sans plus de préparation que ça, deux gamins ne pouvaient être transparents dans un endroit exclusivement dédié aux adultes.

L’université était là. Le bâtiment était prestigieux et entouré d’un parc qui pourrait peut-être faire rougir celui du MIS. En tout cas, il s’étendait loin, et nous avions vu au cours de la préparation de la mission qu’il était rempli de monuments. Et puis, là, ce n’était pas vraiment l’heure du tourisme. Il nous fallait nous infiltrer dans ce haut lieu d’apprentissage… Et j’étais prêt à m’élancer lorsqu’Aaron me retint pour me faire une remarque pertinente. Heureusement qu’il était avec moi !

Je réfléchis deux secondes, avant de lui répondre. La réponse était évidente, en théorie, du moins. En pratique, ce serait peut-être plus compliqué. Ça demanderait un peu de préparation et beaucoup de chance. Peut-être qu’Aaron aurait une meilleure idée…

« On peut dire que nous sommes les enfants d’un professeur. Je crois qu’on pourrait passer pour des frères tant qu’on n’y regarde pas de trop prêt. Maintenant, ça veut dire qu’il faudrait trouver le nom d’un prof, et quelqu’un qui ne le connait pas. Ou bien on dit qu’on vient livrer un message à un professeur de la part d’un ami… Mais peut-être que tu as une meilleure idée… »

Pendant que l’autre garçon réfléchissait, j’observai les alentours, pour voir comment nous allions nous y prendre. Nous avions été nous asseoir sur un banc, comme si de rien n’était, non loin d’une plaine d’herbe qui longeait une route, où quelques rares voitures passaient. Derrière nous se dressait un imposant palais en briques rouges. Tout, ici, n’était que luxe, faste et volupté. Tout, sauf nous… Mais bon, deux enfants assis sur un banc en train de discuter, c’est innocent, non ? Il n’était pas marqué sur notre front que nous étions du MIS…

Le bâtiment de l’université, lui, se dressait à côté de nous, avec une lourde porte d’entrée et une rangée de grandes fenêtres qui devaient donner sur divers locaux. C’était sans doute là que l’on devrait rentrer… Et il y avait des gardes devant. Ce qui veut dire qu’il faudrait sans doute idéalement trouver une autre entrée… Mais chaque chose en son temps, d’abord, j’attendis la réponse d’Aaron.