Même si la fin de la guerre approchait, l’institut avait besoin de nouvelles recrues. Surtout, se disait Kathleen, a l’approche de la fondation de l’ONU que le MIS allait intégrer. Kathleen était soulagée de quitter le MI6, le service secret britannique. Ses relations avec les collègues n’étaient pas des plus amicales : une femme à la direction d’un service faisait ombre à la virilité exacerbée de certains directeurs de département. Jusqu’ici Stevenson n’avait rien trouvé à redire quant à sa collaboration avec les fondateurs du successeur de la Société des Nations.

Maintenant, son institut allait opérer à un rang mondial, non plus pour un État, mais au service de la paix internationale. L’institut était donc destiné à s’agrandir et à augmenter ses rangs. Justement, un nouveau garçon était arrivé à l’accueil. Il avait été trouvé via un de ses vieux amis, un diplomate de l’ambassade de Lituanie à Londres. La directrice regarda la pendule qui tiquait paresseusement dans son bureau et vit qu’il était plus que temps de se mettre en route. Elle avait consacré une partie de la matinée à lire attentivement le dossier du petit Anatole et à préparer les épreuves qui l’attendaient dans les jours à venir.

Le petit chemin de terre qu’elle empruntait, bordé de près par de hauts pins, reliait la grande cour du bâtiment principal et l’accueil. Les deux bâtisses étaient d’ailleurs d’un style totalement opposé, le premier étant un vieux château datant de la renaissance alors que le deuxième arborait fièrement une allure scientifique et moderne. Ce style était tout à fait voulu, évidemment, puisque le domaine était censé être occupé par un laboratoire d’étude du fond marin. D’ailleurs, l’édifice n’était pas visible depuis l’entrée, et vice-versa.

Après cinq minutes de marche bien rythmée, la directrice arriva enfin à l’entrée, salua sa collègue et fit face au jeune Anatole. Il était plutôt grand pour son âge. Ses cheveux châtains étaient coupés court et ses yeux bleus étaient aussi vifs que ceux d’un oiseau. Il avait l’air plutôt mince, comme s’il n’avait pas très bien mangé ces dernières semaines. Bien sûr, Kathleen savait tout cela, puisque tout avait soigneusement été concilié dans son dossier. Mais à présent, il fallait aller au-delà de ces informations basiques, car elles n’étaient pas suffisantes à décréter l’orphelin apte à servir au MIS. Il y avait évidemment quelques tests d’entrée qui l’attendaient, mais Kathleen commença dès maintenant à évaluer l’enfant qui se tenait face à elle.

« Bienvenue au MIS, Anatole ! Je suis Kathleen Stevenson, directrice de cet établissement. Tu as fait bon voyage ? »

Son sourire était sincère et elle lui tendit la main pour le saluer. Mais comment la nouvelle recrue allait-elle réagir ?